Pour ou contre les bambous dans nos jardins?

Pour ou contre les bambous dans nos jardins ?

Dans le club très fermé des plantes persistantes qui poussent vite et qui masquent rapidement – et toute l’année – un vis-à-vis dérangeant, un mur en parpaings, ou un espace que l’on veut garder intime, le bambou fait figure de super star chez nous, depuis plusieurs décades maintenant.

Mais une fois plantés, qu’en est-il de la réalité de ces végétaux après plusieurs années ? Les bambous sont-ils la panacée que l’on nous vend ? Ou y a-t-il quelques bémols à exprimer ?

Evidemment, l’ensemble de nos lecteurs va répondre en cœur : ils sont traçants ! C’est l’enfer ! Des rhizomes partout ! Incontrôlables ! A quoi les pépiniéristes vous répondront qu’avec une barrière anti-rhizome (la version plastifiée glissante) bien placée au moment de la plantation, on évite ce (gros) désagrément.

Cet article a vocation à partager notre expérience de paysagiste sur le sujet, après 15 ans d’utilisation des bambous dans quelques-uns de nos jardins. Sans tabou et sans discours commercial ! Commençons donc par un petit comparatif de leurs avantages et de leurs inconvénients, en insistant sur le fait que tout cela est subjectif et qu’il vous faudra, au final, vous faire votre propre opinion et expérience…

Leurs avantages :

Leur variété. Il existe énormément de bambous différents, avec des hauteurs, des feuillages, des chaumes (= tiges) extrêmement variés. C’est un bonheur de sélectionner la famille et le style dont vous avez besoin, et de sortir du sempiternel Phyllostachys « Aurea » qu’on a vu dans tous les jardins « modernes » de France et de Navarre.

Leur poésie. Le bruissement du vent dans leurs feuilles est très agréable et reposant, et confère au lieu une réelle présence et émotion. Sans parler de leur mouvement souple qui, lui aussi apporte son lot de beauté et de grâce au jardin. Sous la neige, les bambous forment également des tableaux magnifiques.

Leur rapidité et facilité de croissance. Pour la plupart d’entre eux, cela en fait une plante facile pour le jardinier amateur, et qui comble les plus impatients quand il s’agit de créer un écran vert rapidement (on peut néanmoins questionner ce besoin épidermique que la nature soit rapide et persistante dans notre société moderne).

Leur graphisme. Si vous avez le courage de les émonder (= enlever les pousses latérales sur la partie basse des chaumes), et même sans cela, la verticalité de leur silhouette offre, grâce à la répétition des chaumes, une vraie composition originale, qu’aucune autre plante ne peut égaler à cette hauteur-là.

Leur caractère exotique. C’est vrai qu’à force de les voir sur les ronds-points et dans les copropriétés, on en oublie parfois qu’ils évoquent un ailleurs dépaysant et luxuriant, mais bien assortis, ils sont pourtant un véritable atout en termes d’ambiance japonaise ou même tropicale.

Leurs inconvénients :

Leur caractère envahissant. Il ne faut pas taire cette réalité que nous avons pu constater au fil des années, la très grande majorité des bambous est impossible à maîtriser dans son étalement, barrière anti-rhizome ou pas. En effet, dans la durée, les rhizomes sautent, perforent, rusent et finissent toujours par pousser là où vous n’avez pas décidé. Et ça va parfois très vite. La variété Fargesia (cannes très fines, hauteur de 3m max) est en effet moins vorace mais occupe quand même une très grande partie du sol en largeur. Le pire de l’envahissement étant largement incarné par les bambous nains (autour d’un mètre de haut maximum) qui sont aussi nomades que des mauvaises herbes, voire bien pire, et quasi impossible à arracher sans se faire une tendinite.

Leur litière de feuilles mortes. Attention à cet aspect des choses que peu de gens ont en tête, trompés par la nature persistante du feuillage des bambous. Le bambou perd énormément ses feuilles, à divers moments de sa croissance, de manière non visible sur la plante elle-même, mais tellement visible au sol ! Gare à la terrasse qu’il va falloir balayer toutes les semaines ! Gare au mètre cinquante de large sous les chaumes qui sera continuellement recouvert de feuilles mortes, et qui s’envolent au moindre coup de vent. Pour ceux que ça gêne, c’est à prendre ou à laisser!

Leur grand besoin en eau. Les bambous ont besoin d’être correctement arrosés, sous peine de voir leurs feuilles brûlées par le soleil et leurs chaumes devenir secs. Ils sont pour la plupart gourmands et particulièrement quand ils sont cultivés en pots. En pleine terre, ils absorberont toute l’eau disponible et rendront la culture d’autres végétaux difficile voire impossible dans leur entourage proche.

Le nettoyage. J’ai mentionné la couche de feuilles au pied, je vous parle maintenant des cannes sèches ! Chaque année, une partie des cannes devient jaune paille et cassante, parfois au cœur de la plante, difficile d’accès. Pour qu’un bambou reste harmonieux, il est utile de couper ces cannes à leur base pour éviter la disparité de couleur et garder l’homogénéité d’un feuillage bien vert. Mais c’est un gros boulot ! Prévoir un sécateur de force (et pas un sécateur à main qui vous ferait abandonner au bout de deux cannes…), et attention de ne pas vous empaler sur les chaumes coupés des années précédentes qui restent souvent très durs.

L’absence de taille vraiment intermédiaire entre les bambous petits (2 à 3 m) et les bambous moyens (qui sont directement à 6-7m), ce qui nous prive de certains usages dans le jardin et peut créer des contraintes de hauteur, notamment à cause de l’ombre portée dans les petits espaces.

Leur caractère peu local. Malgré le fait que nous ayons pris l’habitude que les végétaux voyagent et s’adaptent souvent assez facilement dans leur nouveau milieu, il n’en reste pas moins parfois une impression de décalage quand les associations végétales ne sont pas harmonieuses. Des bambous plantés dans un jardin normand ou breton, par exemple, peuvent ainsi provoquer une sensation étrange de manque de cohérence et d’harmonie.

Conclusion:

En conclusion, aujourd’hui nous utilisons les bambous dans nos projets de jardin, mais plutôt rarement, quand nous sommes certaines que les propriétaires ne sont pas maniaques (!), quand nous voulons créer une forme de luxuriance dans des ambiances définies comme le style anglo-chinois, le jardin japonisant ou le jardin tropical. Nous évitons de l’utiliser dans des massifs au premier plan et les préférons en fond de perspective où leur désagrément sera moins visible. Enfin, nous les plantons avec une barrière anti-rhizome, en la laissant dépasser de 10 cm du sol et en demandant aux propriétaires de la dégager chaque année des feuilles mortes, pour éviter qu’un humus se crée et permettent aux rhizomes de « sauter » par-dessus la barrière. Mais malgré cela…