Comme souvent, les plus belles histoires commencent par une envie toute simple. Et un peu d’ambition… ! Pour vous raconter le point de départ du Nuancier du jardinier, je peux vous parler de notre perplexité face aux photos de fleurs sur internet et dans les livres qui, pour une même variété, allaient parfois du rose au violet en passant par le lilas. Impossible de savoir quelle était la bonne teinte, à savoir la couleur réelle de la fleur dans les jardins. Et dès lors impossible de l’associer avec d’autres plantes dans nos projets, sans avoir peur de se tromper. Je vous passe les quantités de surprises désagréables, une fois le jardin planté, lorsque certaines floraisons s’avéraient très peu fidèles et l’association végétale loin de de l’effet escompté !
Nous avons donc commencé, il y a 5 ans, à rassembler pour nous-même des photos de plantes dans les jardins de nos clients, prises avec un nuancier Pantone pour caler une référence « exacte » sur la couleur de la fleur. A ce moment-là, nous ne pensions absolument pas en faire un livre. Juste un outil un peu précis qui nous permettrait de mieux maitriser les associations végétales. En dilettantes (et en 4 ans !), nous sommes parvenues à rassembler 500 photos classées en suivant des grandes familles de teintes. Mais ça nous semblait très insuffisant pour travailler, et peu représentatif de la gamme végétale disponible.
En septembre 2016, sur un coup de tête, je décide que la solution est de trouver un appui financier et professionnel, et de faire de ce classement un livre. Après tout, JAMAIS aucun classement de la sorte n’avait été fait, alors que la palette végétale disponible s’était vraiment étoffée depuis 30 ans. Et l’idée de devoir rendre des comptes à un éditeur, me laissait croire que cela nous donnerait la motivation d’aller au bout du projet.
Nous avions un seul éditeur en tête : Ulmer. Spécialiste des livres de jardin, nous connaissions bien leur catalogue, travaillions avec plusieurs de leurs ouvrages et aimions beaucoup leur esprit curieux et éclectique (qui va de la cabane dans les arbres à la méduse graphique, en passant par le lapin domestique !). Ulmer donc. Pour faire un beau livre. Nous envoyons un mail à Antoine Isambert avec un extrait de notre classement, au culot. Il nous rappelle deux jours après et nous fixe un rendez-vous. Un peu tremblantes et impressionnées, nous lui présentons notre projet, en lui « vendant » un classement de 3500 plantes par dégradés de couleurs. Nous signons le contrat en novembre. Sans avoir vu aucun autre éditeur… Le luxe ! Titre provisoire: le Nuancier du Jardinier.
Nous demandons un an de délai pour pouvoir faire le tour des 4 saisons et ne rater aucune floraison. Douze mois pour photographier, nommer, légender, et classer 3000 plantes de plus… Sans compter nos projets de jardin pour nos clients, notre vie de famille et tout le reste.
Inutile de vous dire que ce fut la course !
Calendrier de floraison mois par mois, contact des pépinières spécialisées, achat d’un deuxième appareil photo identique, d’un deuxième nuancier Pantone, planning militaire, déplacement dans toute la France, la Belgique et l’Italie. Parc floral, fêtes des plantes, jardins publics… Et toutes les semaines : référencement, noms, classement, légendes, retouches quand nécessaire.
Je me souviens avoir repéré la narcisse Thalia sur un rond-point en allant chez des clients à nous et avoir mis les warnings pendant que Morgane la prenait en photo.
Je me souviens de la tempête qui a soufflé en Bretagne la veille de la venue de Morgane pour photographier tous les magnolias à la pépinière Stervinou.
Je me souviens avoir calculé au mois de mai 2017 qu’il nous fallait encoder 100 plantes nouvelles par semaine pour tenir nos délais. Et je me souviens du petit coup de découragement qui a suivi.
Je me souviens des regards parfois en biais des exposants lors des fêtes des plantes quand nous arrivions avec notre appareil photo et notre nuancier Pantone.
Beaucoup nous prenaient pour des illuminées. Et nous l’étions probablement un peu…
Novembre 2017, nous avons nos 3500 plantes, encore vaguement classées par familles de couleurs. Reste le plus dur : organiser les plantes en dégradés. Encore un mois et demi de travail… La rétine qui pique, le soir qui tombe trop tôt, l’arc en ciel dans la tête.
Fin décembre, on ramène un fichier qui pèse 128000 Go à Ulmer, et on voit leur tête devant le classement… Le Nuancier du jardinier peut enfin prendre forme! Et quelle forme!
A eux de jouer maintenant : les graphistes courageux alignent, les autres membres de l’équipe relisent et corrigent, on cherche la couverture, on met en page. Ils savent que le travail sur la couleur a été dantesque, et ils en sont très respectueux. On bascule les fichiers, ils vérifient la chromie de chaque page avec nous, on ressort les nuanciers Pantone en croisant les doigts.
Et ça marche, les couleurs imprimées sont fidèles !
Le Nuancier du Jardinier sort cette semaine après des années de travail. Les réactions extérieures vont de l’étonnement à l’enthousiasme absolu, en passant souvent par l’admiration pour le travail fourni.
Nous, on est juste heureuses, et fières d’avoir été au bout de cette folie. Sans compter qu’on possède enfin cet outil qui nous permet de concevoir des jardins plus complets, plus variés, plus fins. C’était ça le but premier !
Chronique radio de Jean-Luc Pasquier sur Radio Fribourg à propos du Nuancier du Jardinier:
Chronique jardin sur Radio Fribourg: le Nuancier du Jardinier
Jean-Luc Pasquier, journaliste et chroniqueur radio, spécialiste du monde horticole en Suisse est fan de notre Nuancier du Jardinier…! Sur des images de Canopées. A écouter sans modération!!!
Publiée par Canopées sur lundi 7 mai 2018